Assita Kanko : de l’excision à la conquête de la liberté
Notre WoWo de la semaine est Assita Kanko. De son enfance où elle a été excisée à sa volonté de changer les lois pour plus de liberté, voici son parcours.
Le rêve d’Assita Kanko était de grandir en étant libre, mais à 5 ans, ce désir d’épanouissement est coupé par l’excision. Pourquoi ? Parce que tu es une fille, lui répond elle. Depuis cette injustice, Assita Kanko, 37 ans, auteure et politique belge quadrilingue, enfonce les portes pour faire changer les mentalités. Pour elle, chaque femme a le droit d’être celle qu’elle veut.
Tirer sa force des situations les plus atroces
Née d’un père instituteur, d’une mère au foyer et aînée de quatre frères dans un pays aux conditions difficiles, le rôle de la petite Assita était de se taire et exécuter les corvées ménagères « avec maman ». Et cela, chaque jour, dès le chant du coq. Les garçons étaient destinés au plaisir, au sport et à l’éducation. Les filles à récurer les marmites, à cuisiner et à aller chercher de l’eau. A cinq ans, Assita fut excisée, c’était normal pour tout le monde, sauf pour elle.
Si celle-ci peut désormais parler de ce trauma sans baisser la tête, on ne peut pas en dire autant des 6.000 femmes excisées chaque 24 heures, dans le monde. Aujourd’hui, notre WoWo s’est donné pour mission de faire entendre sa voix au nom des 200 millions de victimes au total dans le monde, dont 13.000 en Belgique. Parce qu’elle a elle-même été profondément marquée par cette expérience.
« La seule réponse à tant de souffrance, c’est parce que tu es une fille. Pleins de raisons sont évoquées mais la vraie, c’est évidemment de dominer la femme : en les coupant de leur sexualité et de leur plaisir, on coupe aussi leur volonté. Par cette ablation, on tente de maitriser leur sexualité et de les amoindrir. Quand on nous traumatise à cet âge en nous faisant subir quelque chose d’aussi violent dans notre plus profonde intimité sans nous donner de réponse, on grandit en finissant par douter de soi en tant que femme. »
Assita a donc choisi de faire de son histoire marquée par ce geste barbare, un combat positif et porteur de sens.
Le sens donne du courage et un enthousiasme infini
Cette mission de vie est loin de s’arrêter aux victimes d’excision. Elle est dédiée à toutes les femmes de talents obligées d’avorter leur carrière et d’exciser ainsi leur vie. « J’ai écrit un premier livre intitulé « Parce que tu es une fille, histoire d’une vie excisée ». En l’écrivant, j’ai compris que ce n’était pas notre corps qui était excisé mais notre mental et notre vie, et cela équivaut également pour les femmes non excisées car on est toutes, quelque part, éduquées et conditionnées pour occuper une place plus petite que celle que l’on mérite vraiment. C’est pour cela qu’on a besoin d’un réseau, d’un écosystème où les femmes peuvent se rencontrer car ce conditionnement qui nous envahit chaque jour est la raison pour laquelle on n’ose pas s’engager dans ce qui nous passionne et qu’on excise, inconsciemment, nous-même notre vie ».
Vous pouvez être celle que vous voulez être
Pour Assita Kanko, il est temps de créer un nouveau féminisme axé sur les problèmes à résoudre et non sur l’étymologie du terme. « Les premières féministes se sont privées de leur propre féminité. Elles ont dû prendre les codes des hommes pour avoir les mêmes droits. Je veux qu’on vienne avec nos codes et qu’on nous place à la table de négociations, à côté des hommes, parce que, nous aussi, on a le droit d’y être. Je revendique le droit d’être la femme que j’ai envie d’être, d’être la femme que je suis à l’intérieur.
Si j’ai envie de mettre des talons et d’être coquette, c’est mon droit ! Ou au contraire, d’être en jogging et pas maquillée, c’est mon droit aussi ! Je veux un féminisme intégré qui passe par tous les canaux existants. Justice et enseignement en priorité, afin d’éviter de continuer à nourrir les stéréotypes. Je veux une loi qui impose un quota au gouvernement. Et je veux une loi qui réforme le congé de maternité pour qu’on permette aux deux parents d’être impliqués et d’assumer leurs responsabilités dès le début. C’est triste que l’on ait besoin de lois car on pourrait tout simplement avoir le bon sens et l’humanité de permettre à tout le monde d’être représenté correctement ».
Liberté financière, idéologique et d’expression
Thomas Zakara, l’homme qui a inspiré toute une génération de burkinabés avait dit : « Celui qui vous nourrit vous commandera ». Cette phrase a trouvé un écho particulièrement résonnant chez Assita Kanko. « Quand je me suis installée en Belgique avec mon mari, je ne trouvais pas de travail. Je me suis donc inscrite pour faire des études et en parallèle, je faisais des ménages. Mon mari était furieux. Or, pour moi, le plus important était que de l’argent rentre sur mon compte. Je devais être indépendante financièrement car la liberté financière est la première étape à franchir pour espérer toute liberté future ».
Ses mentors : 1. Simone Veil, pour son incroyable exemple de courage politique, sa force, son intelligence et son humanité. 2. Simone de Beauvoir, avec sa citation « On ne naît pas femme, on le devient » 3. Son père, qui la conseille en matière de stratégie dès son plus jeune âge.
Sa citation: « Les gens disent que la beauté est dans les yeux de celui qui vous regarde. Je dis que ce qui libère à propos de la beauté est de prendre conscience que, cette personne qui vous regarde, c’est vous-même », de Salma Hayek.
Ses 3 super-pouvoirs : 1. Une écoute active : écouter attentivement et poser des questions 2. Orientée solution : comprendre, en mettant son ego de côté, afin de trouver des solutions. 3. Communiquer avec nuance et conscience.
Ses deux livres : La deuxième moitié et Parce que tu es une fille
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