Infirmière au service fermé Covid-19, Loredana raconte … Part2

Cette semaine Loredana nous parle de son engagement volontaire auprès du service Covid-19 à l'hôpital. Elle te parle de ses sentiments par rapport à son expérience.

Vous avez été nombreuses à lire le témoignage de notre WoWo Loredana, infirmière libérale au coeur de la crise du Covid-19. Cette semaine, elle nous revient avec un nouveau témoignage. Lors de l’épisode précédent, Loredana avait décidé de se porter volontaire pour aller aider ses collègues en hôpital. Chose faite, elle intègre aujourd’hui le service fermé Covid-19.

Je m’apprêtais à me porter volontaire

Il y a une semaine, je m’apprêtais à me porter volontaire afin d’aider mes collègues en milieu hospitalier.

Le premier jour, j’arrive à l’accueil, des gardes de sécurité m’accueillent. Ils m’attribuent un badge et me dirigent vers le service dans lequel je suis affectée. Ils m’ont souhaité du courage. Il s’agit d’un service de chirurgie orthopédique qui a été transformé en service fermé Covid-19.
Dans l’ascenseur qui m’amène dans ce service, je suis consciente d’affronter l’inconnu, une spécialité que je ne connais pas. J’éprouve la peur de ne pas être à la hauteur. Mais je sais aussi que je ferai de mon mieux pour m’adapter !

Des affiches « Covid-19 » se trouvent sur les portes du service. Je m’arrête une seconde et je prends une grande inspiration en ayant la sensation de me jeter dans la gueule du loup et d’affronter ce qui me fait si peur depuis des semaines. Je suis consciente que je prends un risque, mais… Etrangement, je suis prête à faire face à cette saleté de virus !

Dans les couloirs m’amenant dans le bureau où se trouvent l’équipe soignante, il règne un silence particulier. Il y a des affiches Covid-19 sur la plupart des chambres. De nombreux chariots d’isolement sont aux côtés des portes. Je suis accueillie et j’assiste alors à la remise de service de l’équipe de nuit. Celui-ci avait du faire face à deux décès pendant leur garde. Un médecin du service était hospitalisé aux soins intensifs. L’émotion est palpable et arrivant de l’extérieur je la ressens très fort.

Problème de matériel

On y est, le service des soins du matin commence, j’accompagne deux infirmières qui me briefent sur l’organisation et les modalités pratiques toute la journée et avec une extrême gentillesse. Je me rends compte rapidement que le problème de matériel ne concernait pas que le secteur des soins à domicile.

En effet, malgré le fait qu’ils sont très exposés au virus, ils ne disposent que de masques chirurgicaux pour rentrer en chambre. Pour rappel, ces masques ne protègent pas celui qui le porte et donc il n’est pas efficace. Je pose la question à une infirmière. Elle me répond que les masques ffp2 que le personnel devrait porter afin d’être protégé, ne sont autorisés que si le patient doit recevoir des soins aérosolisants. Situation aberrante, car les patients ont presque tous des masques à oxygène.

Les blouses d’isolement à usage unique sont réutilisées toute la journée pour la même chambre. Alors qu’elles devraient être changées entre chaque patients qui sont suspects au Covid-19. Elles sont suspendues à des pieds à perfusion dans le couloir.. en les réutilisant, il est évident que le risque de se contaminer est accru. Cela va à l’encontre des procédures d’isolement habituelles pour des patients infectés. C’est profondément choquant.

Je ne m’attendais pas à de telles conditions de travail. Je ressens un mix d’émotions, entre la tristesse de la situation qui semble tellement irréelle et de la révolte de ce système qui ne donne pas les moyens nécessaires de se protéger.

Malgré ces conditions, tout est organisé au mieux. Les dispensateurs de soins (médecins, infirmières, kinés, …) s’adaptent en faisant passer le patient en premier lieu en oubliant les risques qu’ils prennent.

Les patients ne peuvent recevoir la visite de leur proches

Je suis partie pour 4 journées de 12heures. Le premier jour, j’assure  le rôle de relais entre la zone sale dite « infectée », et la zone propre pour les infirmières qui rentrent en chambre. Cela me permet de me familiariser dans le service et d’avancer un maximum pour mes collègues. Les infirmières restent du début à la fin de leur service habillée avec la surblouse, visière et masque chirurgical.  Dés le lendemain, j’y suis allée moi aussi, pour assurer les soins.

Les patients ne peuvent pas recevoir la visite de leur proches car ils sont tous isolés. Nous rentrons en chambre uniquement pour les soins et lorsque nous sommes habillées. Cela vaut aussi (et c’est le plus difficile en tant que soignante) pour les personnes qui sont en fin de vie. En effet, dans ce service il a fallu faire face à un nombre de décès dû au Covid-19 assez important. Les soignants même en faisant tout leur possible n’ont pas la possibilité d’apporter le soutien nécéssaire aux patients. Ils sont amenés à s’entretenir avec les familles, leur annoncer qu’un membre de leur famille est sur le point de partir et qu’ ils ne pourront pas lui dire au revoir. C’est extrêmement difficile au niveau de la conscience professionnelle. Même si on a pas le choix, cela laissera des traces.

Après chaque service, j’ai l’impression d’être imprégnée de ce virus

Les journées sont chargées en adrénaline et en émotions. Après chaque service, j’ai l’impression d’être imprégnée de ce virus. Je me douche à l’hôpital et me désinfecte de la tête aux pieds. La première bouffée d’air à la sortie de l’hôpital me permet de me sentir vivante plus que jamais. La première chose que je fais est d’appeler ma fille et mes proches. Je n’ai pas envie de me plaindre de ma journée. D’autant plus, que des personnes, en temps plein, sont émotionnellement épuisées.

Cette semaine, j’ai eu l’impression d’avoir été coupée de toute réalité, alors que j’étais dans la réalité du terrain… Je suis en congé aujourd’hui et mon esprit est resté dans ce service. Je ressens de la culpabilité d’être chez moi. J’ai beaucoup de mal à me reposer en sachant que le nombre de patients ne fait qu’augmenter. Notre système de santé est en grande souffrance. Je pleure ma profession. Nous menons une bataille sans armes. Je voudrais me réveiller de cette situation semblable à un très mauvais rêve.

L’humanité est l’élément positif dans cette situation

Durant ces 4 jours de 12heures, je ne me suis pas sentie fatiguée malgré l’énergie physique et émotionnelle déployée. Je ne regrette pas la décision que j’ai prise. Il ne pourrait en être autrement. Je reviens dans la vie normale cette semaine car je dois assurer au niveau de mon activité indépendante avec le maximum de protection. Je retourne dans ce même service la semaine prochaine.

La situation est très inquiétante. L‘humanité qui est mise en place, en interne entre le personnel soignant et le soutien de la population, est l’élément positif que je retiens. De par toutes ces pensées positives qui nous donnent de la force car nous en avons besoin plus que jamais.

 

Si tu n’as pas lu, la première partie de son témoignage, je t’invite sur cet article.
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